De Mesmer à la Renaissance Moderne : Un Voyage à travers l’Histoire de l’Hypnose

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L’évolution de l’hypnose : une exploration de son histoire et de son utilisation thérapeutique

L’étude de l’hypnose remonte à plusieurs milliers d’années, avec le développement de concepts, de croyances et de pratiques liés à cette technique et à son utilisation thérapeutique. Au fil du temps, l’hypnose a évolué et s’est adaptée, offrant des approches de traitement et de guérison pour une variété de problèmes. Cette évolution historique offre une perspective fascinante sur l’hypnose et son utilisation dans le domaine de la thérapie.

L’esprit a ses merveilles comme l’océan ses perles; l’hypnose est le plongeon vers ces trésors cachés

L’Hypnose à travers les Siècles: Un Voyage Fascinant et Mystérieux

Officiellement, le mot hypnose est introduit en 1842 par James Braid. L’état hypnotique est plus fréquent qu’on le pense. Il s’agit d’un phénomène naturel (par exemple un conducteur au volant de sa voiture n’arrivant pas à se souvenir du trajet qu’il vient juste de faire et pourtant son attention sur sa conduite était bien présente). C’est un état dans lequel nous nous trouvons régulièrement plusieurs fois par jour suivant un rythme de 90 à 120 minutes. Dans cet état, notre esprit et notre cerveau fonctionnent différemment de l’état de veille habituel. Quand on est dans cet état, on dit que l’on est en transe, ou dans une transe hypnotique.

L’hypnose est donc cet état particulier de conscience la perception de ce qui se passe autour de soi diminue. Pourtant, la personne reste sensible à certaines suggestions.Il permet un état de relaxation extrême et d’hyper suggestibilité, c’est à dire que l’on peut ressentir à volonté des émotions et des sensations imaginaires. D’ailleurs le terme Hypnose est dérivé du grec ancien Hypnos qui était le Dieu du sommeil.

Cependant, pour rassurer nos lecteurs nous précisons que l’on ne peut pas forcer une personne à faire ou dire des choses qu’elle ne souhaite pas. La partie consciente du raisonnement conserve ses propres barrières.
Histoire de l’hypnose

De tout temps et dans de nombreuses civilisations, le phénomène hypnotique était connu et employé comme un processus pouvant influer profondément sur l’esprit humain.On sait que l’état hypnotique était connu depuis des millénaires dans les civilisations anciennes. En particulier ce qu’on appelle l’auto-hypnose. Au XVIIIe siècle avant Jésus-Christ, la transe hypnotique est déjà utilisée par les Chinois sur fond de musique. l’objectif était d’entrer en communication avec les morts. Parmi les techniques de méditations observées au Japon et en Chine depuis des millénaires, l’auto-hypnose y figure en bonne place. Elle permet ainsi d’observer des hommes dansant sur le feu, qui n’éprouvent ni douleur ni lésion, comme à Bali. 2400 ans avant Jésus-Christ, en Inde, les yogis et les fakirs utilisent des exercices respiratoires, de concentration et de méditation sur un objet afin d’entrer dans un état hypnotique proche de l’extase, qui les rapproche de l’être suprême. Encore aujourd’hui, cet état de conscience modifiée leur permet d’influencer le fonctionnement de leurs organes internes. L’hypnose a également été utilisée par les Indiens d’Amérique du Nord qui s’infligeaient des douleurs atroces en se privant de nourriture pendant des jours ou on s’isolant pendant des semaines mais aussi en consommant des substances diverses quelque peu hallucinogènes. Les anciens Égyptiens ont aussi utilisé une forme d’hypnose dans leurs temples et certains tableaux anciens égyptiens montrent des scènes avec des passes hypnotiques.

L’Hypnose dans l’Égypte Ancienne

L’hypnose, ou plutôt certaines pratiques qui ressemblent à l’hypnose, était utilisée dans l’Égypte ancienne, mais elle était étroitement liée à la religion et aux rituels.  On retrouve la preuve de l’utilisation de pratiques similaires à l’hypnose dans les textes et artefacts égyptiens antiques. Les “maisons de sommeil”, ou temples du sommeil, étaient des lieux de guérison où les prêtres utilisaient la suggestion et l’hypnose pour induire des rêves qui aideraient à guérir les maladies. Ces prêtres égyptiens, connus sous le nom de “prêtres du sommeil”, étaient formés à l’utilisation de techniques d’induction hypnotique pour aider les gens à résoudre divers problèmes.

Des papyrus datant de 3 000 ans avant J.C. décrivent l’utilisation de techniques d’hypnose dans le cadre de cérémonies religieuses et de rituels de guérison. Des peintures murales dans des tombes égyptiennes montrent également des prêtres faisant des passes hypnotiques sur les patients.

Le Papyrus d’Ebers : 3000 ans avant notre ère

Le papyrus d’Ebers demeure aujourd’hui le plus ancien traité médical connu de l’histoire de l’humanité. Rédigé en Égypte vers le XVe siècle avant notre ère, il offre une perspective unique sur les connaissances médicales de l’époque, alliant science, magie et religion.

On peut y lire la phrase suivante :

La parole m’a été donnée par le maître de l’univers afin d’expulser la souffrance

illustrant le lien étroit entre la parole, le pouvoir thérapeutique et la divinité. L’art de guérir par la parole occupait une place prépondérante dans la médecine égyptienne antique, marquant ainsi un précurseur de la pratique moderne de l’hypnose. Les prêtres égyptiens, souvent considérés comme les premiers médecins, utilisaient des méthodes variées pour soigner les malades .La médecine en Égypte ancienne était un mélange d’empirisme, de magie et de religion. Les guérisseurs utilisaient des incantations et des rituels pour guérir. Parmi ces méthodes, ils utilisaient la transe, un état modifié de conscience, qui ressemble à ce que nous appelons aujourd’hui l’hypnose. Pendant ces transes, les patients étaient susceptibles d’être plus réceptifs aux suggestions et aux soins

D’autres manuscrits égyptiens anciens font également référence à l’usage d’incantations pour traiter diverses maladies, y compris celles affectant les voies aériennes supérieures. Ces incantations étaient généralement récitées par les prêtres-guérisseurs qui utilisaient à la fois leurs connaissances médicales et leur pouvoir spirituel pour soigner les malades.

Le papyrus d’Ebers est donc une précieuse source d’information sur les débuts de la médecine et de l’hypnose. Il démontre l’importance de la parole et de l’état modifié de conscience dans le processus de guérison, des éléments qui sont encore pertinents dans la pratique médicale d’aujourd’hui.

Les “maisons de vie”, qui étaient à la fois des centres d’enseignement et de guérison, auraient utilisé des techniques similaires à l’hypnose. Les prêtres, qui étaient aussi les médecins de l’époque, auraient utilisé des suggestions pour améliorer l’état de santé des patients. Cependant, nous n’avons pas de documentation précise sur les techniques exactes qu’ils utilisaient. Il est également important de noter que bien que ces pratiques puissent ressembler à l’hypnose telle que nous la connaissons aujourd’hui, elles étaient profondément intégrées dans leur système de croyances religieuses et culturelles. Les Égyptiens croyaient en une série de dieux et de forces surnaturelles qui pouvaient influencer la santé et la maladie, et ces rituels étaient destinés à apaiser ou à manipuler ces forces.

Ainsi, bien qu’il soit intéressant de voir comment des techniques similaires à l’hypnose ont été utilisées dans l’histoire, il est important de comprendre qu’elles étaient utilisées dans un contexte culturel et religieux très différent de celui de l’hypnose moderne.

La Confluence de l’Hypnose et de la Religion

Il est important de noter que dans l’Égypte ancienne, comme dans de nombreuses cultures anciennes, il n’y avait pas de séparation nette entre la médecine, la religion et la magie. Ce que nous pourrions appeler “hypnose” était souvent intégré dans un contexte plus large de pratiques spirituelles et rituelles. Cela peut rendre difficile pour les chercheurs modernes de distinguer précisément où se termine la religion et où commence l’hypnose. Néanmoins, il est clair que des techniques semblables à l’hypnose étaient utilisées en Égypte ancienne et ont contribué à la riche tradition de guérison et de spiritualité de cette civilisation.

Franz Anton Mesmer: le Père du Magnétisme Animal et Précurseur de l’Hypnose

Franz Anton Mesmer est une figure essentielle de l’histoire de l’hypnose.Né le 23 mai 1734 à Iznang, en Allemagne, était issu d’une famille d’artisans et de paysans. Étudiant brillant, il s’inscrit à l’Université de Dillingen en 1752 pour y étudier la philosophie et la théologie. C’est au cours de ces études qu’il découvre la philosophie des Lumières, qui l’influence profondément.

Mesmer poursuit ensuite ses études à l’Université de Vienne où il obtient un doctorat en médecine en 1766. Sa thèse, De planetarum influxu (Sur l’influence des planètes), traite de l’influence des planètes sur le corps humain. Dans ce travail, il propose l’idée que la gravité terrestre influence les fluides corporels, une idée qui deviendra la pierre angulaire de sa théorie du magnétisme animal.

Influencé par le médecin anglais Richard Mead, qui pensait que les phénomènes atmosphériques avaient un effet sur le corps humain, Mesmer développa une théorie selon laquelle un fluide universel curatif circulait dans l’univers, reliant les planètes et les organismes vivants. Selon lui, ce fluide pouvait être manipulé et canalisé à des fins thérapeutiques, soulageant ainsi la douleur de ses patients.L’ÉTABLISSEMENT À VIENNE ET LES PRÉMISSES DU MAGNÉTISME ANIMAL

Après l’obtention de son doctorat en médecine à l’université de Vienne en 1766, Mesmer commence à pratiquer en tant que médecin à Vienne. Il attire rapidement l’attention en raison de ses méthodes de traitement peu conventionnelles qui dénotent avec la pratique médicale traditionnelle de l’époque.

Influencé par les théories du médecin anglais Richard Mead, qui postulait l’influence des forces gravitationnelles et magnétiques des planètes sur le corps humain, Mesmer s’intéresse de près à ces phénomènes. La rencontre avec le prêtre jésuite Maximilian Hell en 1774, célèbre pour ses traitements par l’aimant, le conduit à approfondir ses réflexions sur l’existence d’un fluide universel.

Il élabore l’idée d’un “fluide universel” invisible qui se trouve dans tout organisme vivant et qui est influencé par les forces magnétiques. Mesmer postule que ce fluide universel est la clé de la santé humaine. Si le fluide circule librement et équilibré, l’individu est en bonne santé. En revanche, si le fluide est bloqué ou déséquilibré, cela conduit à la maladie.

L’ÉMERGENCE DU MAGNÉTISME ANIMAL

En 1774, Mesmer affirme avoir fait une découverte majeure qu’il nomme le “magnétisme animal”. Il soutient que ce fluide magnétique peut être manipulé et dirigé pour guérir une variété de maux. Selon Mesmer, il est possible d’influer sur le flux de ce fluide en utilisant des aimants, établissant ainsi une connexion entre le magnétisme et la santé humaine.

Le terme “magnétisme animal” est un hommage à la théorie de Mead qui attribuait une part importante à l’animalité dans la constitution de l’être humain. Ainsi, pour Mesmer, le magnétisme animal devient une méthode thérapeutique basée sur la manipulation de ce fluide universel à travers des techniques spécifiques de “magnétisation”. Le magnétisme animal se distingue par son caractère non invasif et par sa conception holistique de la santé qui considère l’individu dans sa globalité – corps et esprit.

Malgré les controverses que suscite cette approche, Mesmer connaît un certain succès avec ses méthodes, et son influence se propage au-delà des frontières de l’Autriche, en particulier en France où le magnétisme animal devient un véritable phénomène de société.

et répondrait aux lois du magnétisme. En 1776, Mesmer abandonna l’utilisation des aimants, estimant que son propre fluide était suffisant pour réguler celui de ses patients.

LE BAQUET ET LES “PASSES MAGNÉTIQUES”

En 1778, Mesmer élabore une nouvelle façon d’appliquer sa théorie du magnétisme animal mais j’ai retrouvé dans un vieux livre le terme étrange de médecine hypnoscopique qui sans doute a du à l’époque déranger la médecine plus conventionnelle. Selon lui, le fluide magnétique ne nécessite plus de support matériel tel que des aimants pour être dirigé. Il soutient que son propre corps, par le biais de ses mains et de sa volonté, peut conduire ce fluide et interagir avec celui des patients. C’est ainsi qu’il développe la technique des “passes magnétiques”. Ces dernières consistent à effectuer des gestes avec ses mains au-dessus du corps du patient, sans pour autant le toucher, pour redistribuer et rééquilibrer le fluide magnétique.

Pour rendre ces séances encore plus impactantes et pouvoir traiter un plus grand nombre de patients en même temps, Mesmer met en place le “baquet”. Il s’agit d’un grand récipient en bois, rempli d’eau mélangée à des limailles de fer. Des tiges de fer partent du baquet, les patients sont invités à les toucher ou à les placer sur les zones de leur corps nécessitant un traitement. L’objectif est de faciliter le transfert de fluide magnétique du baquet vers le patient.

Mesmer avait d’autres moyens pour parler à l’imagination de ses malades. Il était plein d’assurance et d’audace ; toutes ses pensées étaient traduites par un langage pittoresque, plein d’expressions germanisées, qui produisaient le plus grand effet. Il était grand musicien, jouait du piano, et touchait à ravir de l’harmonica, instrument tout nouveau alors pour beaucoup de personnes. L’hôtel Bourret, dont il avait fait son temple dans la capitale, était rempli de trépieds grecs et de caisses de fleurs, d’où s’exhalaient de doux parfums, cette première séduction des sens. Un demi-jour augmentait le mystère et faisait rêver ; on se parlait à voix basse ; on se regardait avec curiosité. Dans la grande salle, était une cuve en bois de chêne, de quatre à cinq pieds de diamètre, d’un pied de profondeur, fermée par un couvercle en deux pièces, et s’enchâssant dans la cuve ou baquet. Au fond, se plaçaient des bouteilles en rayons convergents, et de manière que le goulot se tournait vers le centre de la cuve. D’autres bouteilles partaient en sens contraire ou en rayons divergents, toutes remplies d’eau, bouchées et magnétisées. On mettait souvent plusieurs lits de bouteilles ; la machine était alors à haute pression. ; La cuve renfermait de l’eau, qui baignait les bouteilles ; quelquefois, on y ajoutait du verre pilé et de la limaille de fer. Il y avait aussi des baquets à sec. Le couvercle était percé de trous pour la sortie de tringles en fer coudées, mobiles, plus ou moins longues, afin de pouvoir être dirigées et appliquées vers différentes régions du corps des malades qui s’approchaient du baquet. D’un anneau du couvercle partait une corde très-longue, dont les patients entouraient leurs, membres infirmes, sans la nouer.

Les malades se rapprochaient pour se toucher par les bras, les mains, les genoux et les pieds. Les plus robustes magnétiseurs tenaient une baguette de fer, dont ils touchaient les retardataires et les indociles., Comme le baquet, les bouteilles, les tringles étaient préparées, les passions entraient bientôt en crise. Les femmes éprouvaient d’abord des bâillements ; leurs yeux se fermaient leurs jambes ne les soutenaient plus ; elles étaient menacées de suffocations. En vain les sons de l’harmonica, du piano, les chœurs de voix se faisaient entendre ; ces secours paraissaient accroître les convulsions des malades. Des éclats de rire sardoniques, des gémissements douloureux, des torrents de pleurs éclataient de toute part ; les corps se renversaient en des mouvements tétaniques; la respiration devenait râleuse ;les symptômes les plus effrayants se manifestaient. Alors, les acteurs d’une scène aussi étrange couraient au-devant les uns des autres, éperdus, délirants ; ils se félicitaient, s’embrassaient avec joie ou se repoussaient avec horreur. C’était, comme on l’a dit, un enfer de convulsions. On emportait les plus fous dans la salle des crises, où les femmes battaient de leur tête les murailles ouatées, ou se roulaient sur un parquet en coussins, avec des serrements à la gorge. Au milieu de cette foule palpitante, Mesmer se promenait en habit lilas, étendant sur les moins souffrantes une baguette magique, s’arrêtant devant les plus agitées, enfonçant ses regards dans leurs yeux, tenant leurs mains appliquées dans les siennes, avec les quatre pouces et les doigts majeurs en correspondance immédiate, pour se mettre en rapport; tantôt opérant par un mouvement à distance, avec les mains ouvertes et les doigts écartés, à grand courant ; tantôt croisant et décroisant les bras avec une rapidité extraordinaire, pour les passes en définitive. Souvent le geste du magnétiseur, effleurant les articulations, tirait subitement de la malade un éclair brillant, pareil à ceux qu’on observe à la suite des journées très-chaudes. Ce phénomène frappait de terreur la cohue des femmes échevelées, qui se pressaient, haletantes, sur les pas de Mesmer; et le thaumaturge lui-même, épouvanté de sa puissance, reculait devant l’étincelle du fluide. »

Ces pratiques, rapidement baptisées “mesmériques”, deviennent un véritable phénomène de société, notamment dans les salons parisiens et les milieux artistiques. Le monde du théâtre s’inspire de la gestuelle et de l’attitude de Mesmer, intégrant des éléments de ses séances dans les performances scéniques. Les “Cérémonies du baquet” sont également présentes dans la création artistique de l’époque, devenant un sujet populaire pour les peintres et les illustrateurs.

À partir de 1779, de nombreuses caricatures mettant en scène le mesmérisme commencent à circuler en France. Elles soulignent souvent les aspects déviants et sensuels des réunions de Mesmer, mettant en évidence les inquiétudes et les critiques de la société envers cette nouvelle pratique. Malgré ces controverses, le mesmérisme continue de gagner en popularité et influence, laissant une empreinte durable sur la culture et la société de la fin du XVIIIe siècle.

LE RÔLE DE LA MUSIQUE ET L’ÉMOTION DANS LES THÉRAPIES DE MESMER

La musique joue un rôle crucial dans les séances de Mesmer. Il emploie un glassharmonica, un instrument inventé par Benjamin Franklin, pour créer une atmosphère douce et onirique. L’ambiance créée par la musique, combinée à l’environnement théâtral et à l’attente de la guérison, conduit souvent les patients à entrer dans des états de conscience modifiés.

L’utilisation de la suggestion et le magnetisme

Ces états altérés sont souvent accompagnés de réactions émotionnelles intenses. Certains patients peuvent éclater en sanglots, d’autres peuvent avoir des crises de rire, et d’autres encore peuvent entrer dans des convulsions. Mesmer interprète ces réactions comme la manifestation du fluide magnétique en action. Selon lui, le fluide magnétique, en se déplaçant à travers le corps du patient, libère des blocages émotionnels et provoque une libération cathartique.

Ainsi, l’approche de Mesmer, bien que controversée, intègre plusieurs éléments qui resteront fondamentaux dans la psychothérapie : l’utilisation de la suggestion, l’importance accordée à l’émotion et l’idée que la guérison peut provenir d’une source intérieure plutôt que d’une intervention extérieure.

Il a donc baptisé ce fluide le “magnétisme animal”. Il a commencé à effectuer des “passes magnétiques” avec ses mains, c’est-à-dire des mouvements de ses mains sur ou près du corps du patient, qui étaient soit locales, soit générales, en fonction de l’affection traitée. Ainsi naquit le Mesmérisme.

 L’histoire du magnétisme animal est également parsemée d’histoires étranges et souvent occultées, où le patient magnétisé semblait posséder des pouvoirs qu’on qualifierait aujourd’hui de psychiques. On rapporte que certains somnambules semblaient capables de lire l’esprit de leur magnétiseur, de se transporter en esprit à distance, de prévoir des événements futurs, de ressentir à distance les douleurs physiques ou morales d’une autre personne, de voir l’intérieur de leur propre corps. Ces phénomènes étaient alors décrits sous le terme générique de lucidité magnétique.A l’époque, on a divisé les actes magnétiques en trois grandes classes, suivant la nature des phénomènes qui se produisent:

  1. 1° Tantôt ce sont de simples sensations physiques ou morales, suivies ou non d’un sommeil naturel, ou de catalepsie;
  2.  2° Tantôt le sommeil revêt la forme du Somnambulisme:les sujets peuvent sentir très-vivement, ou devenir insensibles, parler, agir, sans conserver le moindre souvenir;
  3. 3° Tantôt enfin, arrive l’extase, dans laquelle on range le don des langues, la vision, sans le secours des yeux, ou transposition des sens, la vision à distance, les communications spirituelles, l’extase spontanée, les crises nerveuses, l’instinct des médicaments, l’intuition, la prévision intérieure et extérieure, la prédestination, les apparitions, etc.

Il faut donc garder à l’esprit que le terme magnetisme aujourd’hui n’a pas la meme conotation que dans le passé (Gromier, Emile (1811-1878)). A l’époque il s’agissait d’états hypnotiques.

A la suite de l’essor du magnétisme animal, trois courants principaux existaient : les mesmériens, les psychofluidistes et les spiritualistes. Les premiers, en accord avec les idées de Mesmer, mettaient l’accent sur la circulation du fluide. Les psychofluidistes, bien qu’ils considéraient la volonté comme l’agent véritable de l’action magnétique, gardaient l’hypothèse d’un fluide comme vecteur de cette volonté. Enfin, les spiritualistes pensaient que lors de leurs transes, les magnétisés entraient en contact avec des esprits de l’au-delà.

Après la Restauration, un autre courant émergea : les imaginationnistes. Pour eux, ni la volonté du magnétiseur, ni un quelconque fluide n’intervenaient. Ils pensaient que le magnétisme libérait des forces internes au sujet, à savoir les forces de l’imagination, susceptibles de modifier de façon impressionnante l’ensemble psycho-organique du sujet.

LA CONTROVERSE AUTOUR DE MESMER ET LE MAGNÉTISME ANIMAL

Les méthodes de Mesmer, malgré leur popularité croissante, n’échappent pas à la controverse. Les membres de la communauté médicale traditionnelle se montrent particulièrement sceptiques face à ses théories. Leurs critiques atteignent un point culminant en 1784 lorsque le roi Louis XVI constitue une commission royale afin d’enquêter sur la validité du magnétisme animal.

Cette commission, comprenant des figures emblématiques des Lumières tels que le célèbre scientifique et diplomate américain Benjamin Franklin et le chimiste français Antoine Lavoisier, conclut que le magnétisme animal n’est pas scientifiquement démontré. Selon leur rapport, les effets bénéfiques observés chez les patients de Mesmer sont probablement attribuables à l’effet placebo ou à la puissance de l’imagination des patients.

L’HÉRITAGE DE MESMER : ENTRE REJET ET POSTÉRITÉ

Malgré cette condamnation, Mesmer continue d’exercer sa pratique, formant de nombreux disciples. Parmi eux, le Marquis de Puysegur se distingue en développant le concept de “somnambulisme magnétique”, un état de transe accompagné de suggestibilité accrue. Cette notion deviendra une pierre angulaire de la pratique de l’hypnose moderne.

Au-delà de son impact dans le domaine médical, Mesmer influence également le monde de la culture et des arts. Ses idées et les images associées au magnétisme animal inspirent de nombreux artistes et écrivains de son temps, et infusent dans la culture populaire.

le terme “magnétiseur” soulève encore aujourd’hui l’ire de nombreux professionnels de la santé, principalement en raison de son histoire et de l’absence de preuves scientifiques solides à l’appui de ses méthodes. Depuis l’époque de Mesmer, le magnétisme a été l’objet de controverses et de débats intenses. Pour certains, il s’agit d’une forme de charlatanisme, exploitant la crédulité et la vulnérabilité des patients. Pour d’autres, il s’agit d’une forme de médecine alternative valide, bien que mal comprise. L’absence de formation réglementée et de normes professionnelles pour les magnétiseurs ajoute à la méfiance. De plus, les magnétiseurs ne sont généralement pas soumis aux mêmes obligations d’éthique et de déontologie que les professionnels de santé traditionnels, ce qui peut conduire à des abus. Toutefois, il est important de noter que même si les méthodes de Mesmer ont été largement discréditées, elles ont contribué à ouvrir la voie à des pratiques plus modernes et plus largement acceptées, comme l’hypnose. De plus, l’idée de l’influence de l’esprit sur le corps, un concept central du magnétisme, est maintenant largement acceptée dans la médecine contemporaine, notamment dans le domaine de la psychosomatique. Bien que les théories de Mesmer aient été rejetées par la science officielle de son époque, elles ont ouvert la voie à des développements importants dans la compréhension de la psyché humaine et des méthodes de guérison alternatives. Ainsi, malgré les controverses, Mesmer est souvent considéré comme un précurseur majeur de l’hypnose et son influence perdure dans le champ de la psychothérapie moderne.

En effet, Mesmer a soulevé des questions essentielles sur l’interaction entre l’esprit et le corps, la nature de la conscience et la présence d’un pouvoir de guérison potentiellement inné chez l’individu. Ces questions continuent de stimuler la recherche et la pratique dans le domaine de la psychologie et de la médecine contemporaines. L’histoire de Franz Anton Mesmer, malgré ses rebondissements, reste ainsi une étape cruciale dans l’évolution de ces disciplines.

OUVRAGES PRINCIPAUX :

  1. De planetarum influxu (1766)
  2. Mémoire sur la découverte du magnétisme animal (1779)
  3. Précis historique des faits relatifs au magnétisme animal jusqu’en avril 1781 (1781)
  4. Mémoire de F. A. Mesmer, docteur en médecine, sur ses découvertes (1799)
  5. Le Magnétisme animal retrouvé dans l’antiquité,… par le Bon d’Hénin de Cuvillers,… 2de édition… Hénin de Cuvillers, Étienne-Félix (1755-1841).

Le Marquis de Puységur : Évolution du Magnétisme et Émergence du Somnambulisme Artificiel

Amand Marie Jacques de Chastenet, plus connu sous le nom de Marquis de Puységur, est une figure marquante de l’histoire de l’hypnose et du magnétisme. Né en 1751 et décédé en 1825, il était l’élève de Franz-Anton Mesmer, souvent considéré comme le père du magnétisme moderne. Cependant, Puységur a réussi à se distinguer de son mentor, en apportant des modifications significatives à la théorie et à la pratique du magnétisme.

Le patient est son propre guérisseur; dans l’état serein du somnambulisme, résident les secrets de sa guérison.

 Le Somnambulisme Artificiel

Puységur s’est distingué de Mesmer en rejetant l’idée que les crises convulsives étaient une expression nécessaire du magnétisme. Au lieu de cela, il induisait chez ses patients un état de conscience modifié, paisible et calme, qu’il a comparé au somnambulisme, un phénomène connu depuis l’antiquité. Il a nommé cet état le “somnambulisme artificiel” ou “sommeil magnétique“. Dans cet état, Puységur a découvert que les patients étaient capables d’identifier leurs propres maladies et les remèdes appropriés.

Le Rôle du Magnétiseur

Là où Mesmer insistait sur une action physiologique dont le magnétiseur serait la source, Puységur a souligné l’importance du contact verbal entre le magnétiseur et le magnétisé. Il a proposé que le magnétiseur n’était pas la source du pouvoir curatif, mais plutôt un intermédiaire, un conducteur, aidant les malades à devenir leurs propres médecins. Cette idée a révolutionné la pratique du magnétisme et a jeté les bases de l’hypnose moderne.

Le Fluide Magnétique

Puységur a simplifié le système complexe de Mesmer avec l’introduction de l’idée d’un fluide individuel transmis par des “passes” – des mouvements de la main du magnétiseur sur le corps du patient. Il croyait que ce fluide était généré par la volonté du magnétiseur et créait un lien, ou “rapport”, avec le patient. Cela a marqué une autre différence significative entre Puységur et Mesmer, qui croyait en un fluide universel plutôt qu’individuel.

Amand Marie Jacques de Chastenet, Marquis de Puységur, a marqué une étape cruciale dans l’évolution de l’hypnose et du magnétisme. Ses découvertes ont déplacé le focus des crises convulsives et du fluide universel de Mesmer vers un état de somnambulisme artificiel et l’idée d’un fluide individuel. Ses travaux ont permis de jeter les bases de l’hypnose moderne et de souligner l’importance du contact verbal et du rapport dans la pratique de l’hypnose et du magnétisme. Puységur a montré que le véritable pouvoir de guérison résidait en fin de compte chez le patient lui-même, une idée qui continue de résonner dans la médecine moderne.

L’Abbé Faria : un Précurseur de l’Hypnose et le père de la suggestion

Le sommeil lucide, clé de la guérison, réside dans le patient, et non dans le praticien.

José Custodio de Faria, plus connu sous le nom de l’Abbé Faria, est une figure centrale de l’histoire de l’hypnose. Né en 1755 et décédé en 1819, Faria était un prêtre et un professeur de philosophie, mais il est surtout connu pour ses contributions révolutionnaires à la pratique de l’hypnose. C’est lui qui a inspiré le personnage de l’Abbé Faria dans le célèbre roman “Le Comte de Monte-Cristo” d’Alexandre Dumas.

Le Sommeil Lucide

Faria est reconnu pour avoir développé le concept de “sommeil lucide”, une sorte d’état somnambulique au cours duquel le patient est capable de s’auto-thérapiser. Contrairement à la croyance populaire de l’époque, Faria insistait sur le fait que cet état ne dépendait pas du magnétiseur, mais uniquement du patient lui-même. De plus, il croyait que la volonté du patient n’avait pas d’importance dans le processus d’entrée en état de sommeil lucide.

L’Importance de la Suggestion

Faria est également considéré comme le père de la suggestion en hypnose. Il induisait l’état hypnotique chez ses patients en leur ordonnant simplement de dormir. Cette méthode simple, mais efficace, était une rupture radicale par rapport aux méthodes plus complexes utilisées par d’autres praticiens du magnétisme à l’époque.

Le Rôle du Patient

L’une des contributions les plus significatives de Faria à l’hypnose est sa reconnaissance du rôle actif du patient dans son propre processus de guérison. En déplaçant le focus du praticien vers le patient, Faria a transformé la pratique de l’hypnose et posé les bases de la compréhension moderne de cette discipline.

 

L’Abbé Faria a marqué l’histoire de l’hypnose en étant le premier à reconnaître l’importance du rôle du patient dans son propre processus de guérison et en introduisant l’utilisation de la suggestion. Ses idées ont contribué à façonner la pratique de l’hypnose telle que nous la connaissons aujourd’hui et ont jeté les bases de nombreuses avancées modernes dans le domaine de l’hypnose et de l’auto-thérapie. L’impact de son travail continue de se faire sentir et son héritage perdure dans la pratique moderne de l’hypnose.

 

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James Braid : L’architecte médical de l’hypnose

La véritable hypnose n’est pas un pouvoir, mais un savoir.

En 1843, un chirurgien anglais du nom de James Braid a entrepris d’établir les bases scientifiques de l’hypnose, s’éloignant des théories de Mesmer sur le magnétisme animal et le fluide. Braid a démystifié le mesmerisme, proposant une nouvelle compréhension de cette modification de conscience qu’il a nommée “hypnotisme”.

Braid était convaincu que l’hypnotisme était provoqué par une concentration intense sur une cause physique. Au cours de ses expériences, il a souvent utilisé la fixation sur un objet brillant comme technique d’induction hypnotique. Braid a eu le mérite de comprendre que l’hypnotisme était une question de connaissance plutôt que de pouvoir. Il a défini l’hypnotisme comme la production de sommeil artificiel, où le patient n’a aucune mémoire de ce qui s’est passé pendant l’hypnose mais se souvient lorsqu’il est de nouveau sous hypnose.

Par ailleurs, Braid a introduit le concept de “mono-idéisme”, qui désigne un état d’esprit sous l’influence d’une idée dominante. Il a appelé “mono-idéo-dynamique” les modifications physiques et psychiques qui se produisent sous l’influence du mono-idéisme.

Né en Angleterre, à Rylaw House dans le Fifeshire, Braid a étudié à l’Université d’Edimbourg avant de devenir chirurgien. En 1841, Braid a assisté à une démonstration d’hypnose par Charles Lafontaine, ce qui a suscité son intérêt pour ce domaine. Suite à ses propres expériences et observations, Braid a publié ses découvertes en 1843, introduisant le terme “hypnotisme”.

La vision de Braid a déplacé l’hypnose de la sphère mystique du magnétisme à une discipline plus scientifique et médicale. Il a ouvert la voie à l’utilisation de l’hypnose comme méthode d’anesthésie dans les blocs chirurgicaux, notamment par le chirurgien bordelais Étienne Eugène Azam. Bien que l’anesthésie chimique ait finalement supplanté l’hypnose dans les salles d’opération, la contribution de Braid à la médecine reste indéniable. Aujourd’hui, seul le terme “hypnose” est couramment utilisé pour décrire ces différents états et les techniques pour y parvenir.

Pourtant on voit à l’époque que des oppositions fortes existaient (en temoignage ce livre “Les endormeurs” édité 40 ans apres Mesmer).Ce livre, est un exemple frappant de ces débats. Dans ce livre, l’auteur a choisi de représenter une femme comme la victime d’un “endormeur”. Cette représentation n’était pas inhabituelle à l’époque, les femmes étant souvent perçues comme étant plus vulnérables aux pratiques de l’hypnose et du magnétisme. Cette perception a également contribué au développement du concept de “l’hystérie féminine”, qui a été largement promu par l’École de la Salpêtrière à Paris que nous aborderons plus tard. Sous la direction de Jean-Martin Charcot. L’hystérie était alors considérée comme une maladie spécifiquement féminine, caractérisée par une série de symptômes physiques et émotionnels, dont l’origine était attribuée à un dysfonctionnement de l’utérus (d’où le terme “hystérie”, du mot grec pour utérus, “hystera”).

 

L’École de Nancy : Pionnière de la suggestion et de l’hypnose

L’esprit est un jardin, la suggestion en est le semencier.

L’École de Nancy, également connue sous le nom d’École de la Suggestion, est un acteur clé de l’âge d’or de l’hypnose en France, de 1882 à 1892. À l’instar de l’École de la Salpêtrière, elle a joué un rôle crucial dans le développement de l’hypnose. Les principaux membres de cette école étaient Ambroise-Auguste Liébeault, un médecin devenu guérisseur, le professeur de médecine Hippolyte Bernheim, le juriste Jules Liégeois et le médecin Henri Beaunis.

Liébeault proposa une approche thérapeutique basée sur l’idée que l’état hypnotique est similaire au sommeil naturel et que tout le monde est hypnotisable à divers degrés. Bernheim décrivit en détail les différents degrés d’hypnose, allant de la simple somnolence à un état de docilité totale à l’égard des suggestions de l’hypnotiseur, connu sous le nom de suggestions post-hypnotiques.

L’hypnose, dans la conception de l’École de Nancy, est induite par une série de suggestions directes des symptômes principaux du sommeil : besoin de dormir, lourdeur des paupières, sentiment de somnolence et diminution de l’acuité sensorielle. Ces suggestions restent largement utilisées aujourd’hui dans les techniques d’autohypnose, telles que le training autogène de Schultz.

Bernheim, de son côté, développa une psychologie expérimentale basée sur l’hypnose. Toutefois, il finit par abandonner l’hypnose en faveur de la suggestion à l’état de veille, une méthode qu’il a désignée sous le nom de psychothérapie, terme inventé par son disciple anglais Hack Tuke.

En 1884, Bernheim publia “De la suggestion dans l’état hypnotique et dans l’état de veille”, marquant officiellement le début de l’École de Nancy. Cet ouvrage symbolise l’aboutissement d’un cheminement expérimental et intellectuel qui a commencé avec les travaux de Mesmer à Paris, plus d’un siècle auparavant.

OUVRAGES PRINCIPAUX DE BERNHEIM ::

– Des Fièvres typhiques en général, Strasbourg (1868)
– Leçons de clinique médicale, Paris (1877)
– De la suggestion dans l’état hypnotique et dans l’état de veille, Paris (1884)
– De la Suggestion et de ses applications à la thérapeutique, Paris (1886)
– Recueil de faits cliniques, 1883-1886 (1890)
– Hypnotisme, suggestion, psychothérapie, études nouvelles (1891)
– L’Hypnotisme et la suggestion dans leurs rapports avec la médecine légale (1897)
– Le Docteur Liébeault et la doctrine de la suggestion (1907)
– De la suggestion , Paris, Albin Michel (1916) ; Éditions L’Harmattan, Coll. « Encyclopédie psychologique »,
– Automatisme et suggestion (1917)
– L’Hystérie : Définition et conception, pathogénie traitement, Encyclopédie scientifique, O. Doin et fils, 1913,

L’École de la Salpêtrière et la Névrose Hystérique : Un Tournant dans l’Étude de l’Hypnose

Comprendre est le premier pas pour guérir.

En 1878, le neurologue Jean-Martin Charcot, considéré comme le père de la neurologie moderne, commença à utiliser l’hypnose comme un outil expérimental pour l’étude de l’hystérie. Pour Charcot, l’hypnose représentait un aspect expérimental de la névrose hystérique.

Charcot croyait que la capacité à être hypnotisé était un symptôme chez les patients hystériques qu’il étudiait. Il pensait ainsi pouvoir reproduire les symptômes des hystériques en dehors de leurs crises. En d’autres termes, il affirmait que l’hypnose était une caractéristique de la névrose hystérique. Par conséquent, selon lui, l’hypnose n’avait pas de pouvoir thérapeutique et n’affectait jamais les personnes considérées comme normales.

Dans son ouvrage “Sur les divers états nerveux déterminés par l’hypnotisation chez les hystériques” en 1882, Charcot a réhabilité l’hypnose comme un sujet d’étude scientifique, la présentant comme une manifestation pathologique somatique spécifique à l’hystérie. Il y décrit les trois états du “Grand Hypnotisme” des patients hystériques, illustrés par son collaborateur Paul Richer :

  1. La léthargie : obtenue en pressant sur les paupières du sujet, pendant laquelle le sujet reste inerte mais présente une “hyperexcitabilité neuro-musculaire” (le moindre contact provoque une contracture).
  2. La catalepsie : obtenue en rouvrant les yeux du sujet (ou en sonnant un gong), pendant laquelle le sujet adopte les poses qu’on lui donne et “transfère” les contractures du côté du corps où un aimant est appliqué.
  3. Le somnambulisme : obtenu en frottant le sommet du crâne du sujet, pendant lequel le sujet parle et bouge normalement.
  4. Le réveil du sujet se fait avec une amnésie totale.

L’intérêt de Charcot pour l’hypnose était étroitement lié à la méthode anatomo-clinique, c’est-à-dire à l’identification des altérations anatomiques pouvant expliquer les maladies nerveuses organiques. Il a utilisé l’hypnose dans une perspective expérimentale pour démontrer que les paralysies hystériques n’étaient pas causées par une lésion organique, mais par ce qu’il appelait une “lésion dynamique fonctionnelle” qu’il était possible de recréer sous hypnose. Cependant, Charcot n’a pas utilisé l’hypnose dans un cadre thérapeutique pour tenter de “défaire” les symptômes qu’il avait d’abord créés de manière artificielle.

Charcot déclare que les symptômes hystériques sont dus à un « choc » traumatique provoquant une dissociation de la conscience et dont le souvenir, du fait même, reste inconscient ou subconscient.Il pose là les bases de la théorie «traumatico-dissociative» des névroses qui sera développée par Pierre Janet, Joseph Breuer et Sigmund Freud. Pour Charcot, le choc nerveux consécutif au traumatisme représente une sorte d’état hypnoïde, analogue à celui de l’hypnose, qui rend possible un effet d’auto-suggestion.

La Polémique entre l’École de Nancy et l’École de la Salpêtrière : Des Conceptions Opposées de l’Hypnose

L’École de Nancy, représentée par Hippolyte Bernheim, et l’École de la Salpêtrière, dirigée par Jean-Martin Charcot, ont eu des divergences profondes sur la nature et l’utilisation de l’hypnose.

Pour Bernheim, l’hypnose était simplement un état de sommeil, induit par la suggestion, qui pouvait avoir des applications thérapeutiques. En revanche, Charcot affirmait que l’hypnose était un état physiologique distinct du sommeil, propre aux individus prédisposés à l’hystérie, et qu’elle ne pouvait pas être utilisée à des fins thérapeutiques. Selon Charcot, les propriétés somatiques de l’hypnose pouvaient se manifester indépendamment de toute suggestion.

Bernheim a contesté les théories de Charcot, démontrant que les phénomènes hypnotiques de la Salpêtrière n’étaient pas obligatoirement des phénomènes physiologiques. Selon lui, l’hypnose augmentait la suggestibilité du patient en diminuant le contrôle des facultés supérieures, ce qui améliorait leur propension à croire. Il a prouvé qu’on pouvait provoquer artificiellement les manifestations de l’hystérie chez des sujets non hystériques, ou provoquer chez les hystériques des manifestations différentes de celles décrites par Charcot.

Selon Bernheim, “l’hypnotisme n’est autre chose que l’activation d’une propriété normale du cerveau, la suggestibilité, c’est-à-dire la capacité à être influencé par une idée acceptée et à chercher sa réalisation.” Il a également critiqué l’idée de Charcot selon laquelle la fixation d’un objet ou des passes magnétiques étaient nécessaires pour induire l’hypnose, affirmant qu’elles étaient en réalité inutiles.

Cependant, bien que Bernheim et son collègue Ambroise-Auguste Liébault aient été les premiers à appliquer systématiquement la suggestion en thérapie, ils n’ont pas pris en compte la dimension relationnelle et émotionnelle qui s’établit avec le patient.

Après la mort de Charcot, les idées de l’École de la Salpêtrière ont été progressivement abandonnées. De son côté, Bernheim a cessé de pratiquer l’hypnose, soutenant que ses effets pouvaient tout aussi bien être obtenus à l’état de veille par la suggestion, une méthode qu’il a appelée psychothérapie. Il a même nié l’existence d’un “état hypnotique” et a affirmé que les différents phénomènes hypnotiques pouvaient être induits chez des individus suggestibles par des suggestions verbales à l’état de veille. Bernheim a finalement déclaré : “Il n’y a pas d’hypnotisme, il n’y a que de la suggestibilité”.

En outre, la pratique de l’hypnose a été interdite par Wilhelm Wundt, le fondateur de la psychologie expériment

Freud et l’Hypnose : Entre Acceptation, Adaptation et Rejet

Sigmund Freud, le fondateur de la psychanalyse, a un temps utilisé l’hypnose dans sa pratique. Il a défini la suggestion comme “une représentation consciente introduite dans le cerveau de l’hypnotisé par une influence extérieure et qui a été acceptée par lui comme s’il s’agissait d’une représentation surgie spontanément”. En cela, il suivait les théories de Bernheim, dont il a même traduit le livre.

Freud s’est également inspiré des travaux de Pierre Janet sur la désuggestion des souvenirs traumatiques des patients sous hypnose, une méthode basée sur la théorie traumatico-dissociative de Charcot. Deux ans après avoir commencé à utiliser l’hypnose, Freud a adopté la méthode cathartique de Josef Breuer. Dans cette approche, l’hypnose n’est plus utilisée à des fins de suggestion directe mais permet au patient de se souvenir d’un traumatisme passé et de le revivre émotionnellement. Freud a souligné que “la remémoration dénuée d’affect est presque toujours sans effet ; le processus psychique qui avait surgi originellement doit être répété de manière aussi vivante que possible”.

Cependant, Freud a aussi oscillé entre les conceptions des deux écoles principales d’hypnose de son époque, celles de Charcot et de Bernheim. Il a déclaré : “En ce qui concerne l’hypnotisme, j’ai pris parti contre Charcot et je n’ai pas été non plus entièrement d’accord avec Bernheim”.

Finalement, Freud a progressivement abandonné l’hypnose, trouvant que la suggestibilité des patients était trop variable pour que cette technique soit efficace. Suivant en cela Charcot, il a estimé que l’hypnose devrait fonctionner surtout sur des patients hystériques. Cependant, il a constaté que même pour ces patients, la suggestion et l’hypnose ne fonctionnaient pas suffisamment bien pour constituer un traitement fiable. Freud a finalement affirmé que “la psychanalyse proprement dite ne date que du jour où on a renoncé à avoir recours à l’hypnose”.

Carl Jung (1875-1961) : L’inconscient collectif et les archétypes

Élève et collègue de Sigmund Freud, Carl Jung s’est finalement éloigné de la voie tracée par son mentor, proposant une approche psychanalytique radicalement différente et innovante. Bien qu’il n’ait pas utilisé activement l’hypnose dans sa pratique, ses travaux ont grandement contribué à la compréhension du subconscient et à l’évolution des thérapies modernes.

Jung a élaboré le concept de l’inconscient collectif, une forme d’inconscient partagé par l’ensemble de l’humanité et contenant des formes ou images primordiales qu’il a appelées « archétypes ». Ces archétypes, selon Jung, sont le reflet d’expériences communes à l’espèce humaine à travers l’histoire, comme la naissance, la mort, l’amour ou la peur.

Même si Jung n’a pas recouru à l’hypnose, il a encouragé ses patients à utiliser l’imagination active pour transformer leurs anciens souvenirs. Dans son approche thérapeutique, Jung mettait souvent en avant le concept du guide intérieur, cette instance psychique qui permet à l’individu de naviguer dans l’inconscient pour entamer un processus de guérison et de développement personnel.

Jung croyait fermement que l’inconscient pouvait être exploré à travers divers outils, comme le I Ching (ou Yi King), ancien livre chinois de divination, ou encore l’astrologie. Bien que ces pratiques puissent sembler ésotériques pour certains, Jung les considérait comme des clefs précieuses pour accéder à l’inconscient collectif et individuel.

Les travaux de Carl Jung ont eu une influence profonde sur la psychologie, offrant une nouvelle perspective sur le rôle de l’inconscient et du symbolisme dans notre psyché. Même sans utiliser l’hypnose en tant que telle, ses théories ont indéniablement enrichi la compréhension de cet état de conscience modifié, et continuent d’inspirer les psychothérapies contemporaines.

La Méthode Coué : L’autosuggestion et la Pensée Positive

Émile Coué de la Châtaigneraie, né en 1858, était un pharmacien qui a développé une méthode de guérison basée sur l’autosuggestion, connue sous le nom de “méthode Coué”. L’approche de Coué repose sur l’idée que notre imagination et notre inconscient ont plus d’impact sur nos actions que notre volonté consciente.

Dans la pratique, la méthode Coué consiste à répéter une phrase positive à haute voix, souvent en utilisant un objet, comme une ficelle avec 20 nœuds, pour aider à compter les répétitions. Un exemple typique de la phrase utilisée est : “Tous les jours, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux”.

Comme pharmacien, Coué a utilisé l’effet placebo pour améliorer la santé de ses patients. Il a suivi l’approche de figures historiques comme Paracelse et Hippolyte Bernheim, en faisant valoir que c’était l’autosuggestion positive qui favorisait la guérison, ainsi que l’écoute attentive qu’il offrait à ses patients.

Pour Coué, la pensée positive, pour être efficace, doit devenir une partie intégrante du processus de pensée. L’autosuggestion doit être pratiquée de manière presque machinale et quotidienne. La pensée positive est donc plus qu’une simple technique, elle fait partie d’une philosophie de vie à appliquer tous les jours.

Émile Coué a grandement contribué à populariser l’idée de l’autosuggestion consciente comme un outil pour l’amélioration personnelle et le bien-être, marquant une étape importante dans le développement de la psychologie moderne.

 

Milton H. Erickson (1901-1980) : Un renouveau de l’hypnose

Milton H. Erickson, psychiatre et psychologue américain, marque un tournant décisif dans l’histoire de l’hypnose et permet à cette discipline de connaître une véritable renaissance. Atteint de daltonisme, de dyslexie et de poliomyélite, il a tout d’abord expérimenté sur lui-même certains phénomènes, qu’il a ensuite appliqués dans l’hypnose thérapeutique.

À 17 ans, Erickson, cloué au lit par la poliomyélite, passe son temps à observer son environnement pour tromper l’ennui. Il développe ainsi une capacité à percevoir les signes non verbaux les plus infimes, émis à la limite du seuil de perception. Son incapacité physique lui offre une perspective unique sur le mouvement et la localisation corporelle. “Je ne pouvais même pas dire où se trouvaient mes bras et mes jambes dans mon lit”, se rappelle-t-il. “C’est ainsi que j’ai passé des heures à essayer de localiser ma main, mon pied, ou mes orteils, en guettant la moindre sensation, et je suis devenu particulièrement attentif à ce que sont les mouvements”.

L’approche d’Erickson a radicalement transformé la pratique de l’hypnose thérapeutique. Pour lui, l’inconscient du sujet est un réservoir de ressources, de connaissances et d’apprentissages dont le patient ignore l’existence et auquel il doit apprendre à faire confiance. Erickson introduit la notion d’hypnose permissive, un contraste marqué avec les formes plus autoritaires d’hypnose qui prévalaient auparavant. Pour lui, le thérapeute n’est pas celui qui détient la solution ; c’est le patient qui possède en lui les ressources pour répondre de manière appropriée aux situations qu’il rencontre. Il s’agit donc d’utiliser ses compétences et ses capacités d’adaptation personnelles. Dans cette approche, le patient conserve son libre arbitre ; rien ne lui est imposé.

En France, c’est Léon Chertock (1911-1991) qui, suite à ses rencontres avec Erickson, a principalement contribué à la réintroduction de l’hypnose dans la pratique clinique. Les concepts et techniques introduits par Erickson ont depuis inspiré de nombreuses écoles d’hypnothérapie et continuent d’influencer la pratique de l’hypnose à travers le monde.

L’expansion de l’hypnose thérapeutique : des États-Unis à l’Europe

Depuis les années 1940, l’hypnose thérapeutique a bénéficié d’un regain d’intérêt notable, en particulier aux États-Unis. C’est durant cette période qu’émergent des figures emblématiques du domaine, telles que Milton H. Erickson, qui jouent un rôle majeur dans la transformation de l’image de l’hypnose. Erickson, notamment, révolutionne l’hypnose en instaurant une approche de la suggestion hypnotique plus permissive et indirecte, que l’on nommera par la suite l’hypnose ericksonienne.

Parallèlement, en Russie, des psychiatres commencent à intégrer l’hypnose comme outil de traitement efficace dans les cas de dépression sévère. Ce développement contribue à faire évoluer la perception de l’hypnose en démontrant son potentiel thérapeutique précieux pour des affections autrefois considérées comme résistantes au traitement.

À la même époque en Europe, des pays comme le Portugal, la Belgique et la Grande-Bretagne se distinguent en faisant de l’hypnose un outil thérapeutique pour divers troubles psychologiques. Ces pays voient l’émergence de nombreuses cliniques et praticiens spécialisés dans l’hypnothérapie, contribuant à la popularisation de cette méthode de traitement.

En France, malgré son rôle pionnier dans l’histoire de l’hypnose avec des figures comme Charcot et Bernheim, l’adoption de l’hypnose thérapeutique est plus tardive. C’est véritablement au début des années 2000 que cette pratique refait surface sur le devant de la scène, malgré son héritage historique riche dans le pays. Ce paradoxe peut s’expliquer en partie par une méfiance historique envers l’hypnose, ainsi que par la prédominance de la psychanalyse dans le champ de la psychiatrie française.

Cependant, de nos jours, l’hypnose thérapeutique gagne en popularité en France, et de plus en plus de professionnels de santé intègrent cette approche dans leur pratique. L’hypnose est désormais reconnue comme une méthode de traitement valable pour de nombreux troubles psychologiques et physiques, et son usage continue de se répandre à travers le monde.

 

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